Panorama de la côte rocheuse de Saint-Nazaire avec vue sur les éoliennes offshore – symbole de l’engagement pour les énergies renouvelables et de la richesse du littoral atlantique

Quand Saint-Nazaire se dévoile côté mer : entre géants des mers, plages cachées et éoliennes

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Quand Saint-Nazaire se dévoile côté mer : entre géants des mers, plages cachées et éoliennes

Regarder Saint-Nazaire autrement, depuis la mer

Monter à bord d’un bateau, longer l’estuaire… et Saint-Nazaire dévoile soudain une autre facette de son identité.
Loin des clichés industriels et des cartes postales figées, la ville, côté mer, se révèle : un territoire d’histoires puissantes, d’ingéniosité humaine et de paysages contrastés.

Du fracas des chantiers navals aux plages oubliées, des blockhaus silencieux aux éoliennes géantes, chaque mille raconte une page d’histoire — locale, nationale, parfois mondiale.

Saint-Nazaire n’est pas une ville : c’est un port, une frontière, un laboratoire, une promesse.

Et si Saint-Nazaire se laissait approcher autrement… guidée par les flots ?

Voilier ancien à Saint-Nazaire – héritage naval, aventures maritimes et ville portuaire tournée vers le large
L’Hermione dans le bassin de Saint-Nazaire – un hommage aux grands navires d’hier et d’aujourd’hui.

i - Un port aux mille visages
(4ᵉ port de commerce de France)

À première vue, le port de Saint-Nazaire impressionne par sa taille, sa puissance, ses infrastructures. Mais ce que l’on aperçoit depuis la côte ne révèle qu’une infime partie de la réalité.

Derrière les cargos, les grues et les chantiers navals, c’est tout un écosystème qui s’active : un estuaire en perpétuel mouvement, des hommes et des femmes aux gestes précis, des navires gigantesques, une logistique millimétrée.

Ici, chaque marée, chaque amarrage, chaque départ raconte une histoire d’ingéniosité, d’adaptation et de maîtrise.

Pour comprendre Saint-Nazaire côté mer, il faut lever le voile sur cette mécanique fascinante, à la fois naturelle et industrielle.

Comprendre l’estuaire : ce que vous voyez vraiment depuis la côte

Quand on se promène à Saint-Nazaire, le regard se perd vers l’horizon, et l’on pense immédiatement à l’océan Atlantique. Pourtant, ce que l’on voit depuis la côte nazairienne, ce n’est pas encore l’océan : c’est l’estuaire de la Loire.

L’estuaire, c’est cette zone de transition entre un fleuve et la mer. Ici à Saint-Nazaire, la Loire, dernier grand fleuve sauvage d’Europe, vient rencontrer l’océan sur plus de 60 kilomètres, entre Nantes et le large. L’eau y est tantôt brune, tantôt calme ou tumultueuse. Elle abrite une biodiversité riche, mais aussi des enjeux économiques majeurs : navigation, pêche, énergie, écologie.

À Saint-Nazaire, l’estuaire est large, profond, changeant. C’est un écosystème à part entière, une autoroute pour les cargos, une nurserie pour les poissons, un corridor pour les mammifères marins. Le comprendre, c’est mieux appréhender le port, les chantiers, les courants… et redécouvrir toute la richesse d’un territoire à la croisée des mondes.

Vue sur l’estuaire de la Loire à Saint-Nazaire – pont de Saint-Nazaire et rencontre entre le fleuve et l’océan Atlantique - Paysage de l’estuaire à Saint-Nazaire – embouchure de la Loire, pont et zone portuaire
Chargement de pales d’éoliennes offshore sur le port de Saint-Nazaire à bord du Brave Tern – énergies marines renouvelables en Loire-Atlantique
Chargement d’éoliennes en mer à Saint-Nazaire
Au premier plan, les gigantesques pales blanches et rouges d’éoliennes offshore sont en cours de chargement à bord du navire "Brave Tern", une barge auto-élévatrice spécialement conçue pour l’installation en mer. En arrière-plan, les imposantes jambes du navire permettent de le stabiliser en s’ancrant sur le fond marin. Cette scène illustre le rôle clé du port de Saint-Nazaire dans le développement des énergies marines renouvelables.

Un port étendu sur quatre communes à l’échelle de l’estuaire

Le port de Saint-Nazaire ne se limite pas à la seule ville du même nom. C’est un véritable territoire portuaire qui s’étend sur quatre communes : Saint-Nazaire, Montoir-de-Bretagne, Donges et, dans une moindre mesure, Nantes.

Chacune joue un rôle spécifique dans l’organisation du port :
  • Montoir-de-Bretagne concentre la majeure partie des activités industrielles et logistiques : conteneurs, véhicules, agroalimentaire, énergies nouvelles…

  • Donges est le centre névralgique pour les hydrocarbures, avec l’une des plus grandes raffineries françaises.

  • Saint-Nazaire, quant à elle, est le cœur historique et technique, avec les chantiers navals, les écluses, la base sous-marine, les terminaux spécialisés, mais aussi les flux passagers (navettes, croisières).

  • Enfin, Nantes reste reliée au port, mais n’assure plus qu’environ 6 % du trafic total.

Ce maillage intercommunal, à l’échelle de l’estuaire, permet de répartir les fonctions, d’optimiser la logistique maritime et terrestre, et de soutenir un écosystème économique d’envergure européenne.

Creuser l’estuaire pour accueillir les géants


Pour permettre l’accès des navires de plus en plus imposants, le chenal maritime de l’estuaire a été profondément modifié. Aujourd’hui, sa profondeur atteint 12 à 13 mètres à marée haute, un seuil indispensable pour accueillir les méthaniers, vraquiers et navires rouliers de grande taille.

Mais ce chenal, creusé artificiellement, doit être entretenu en permanence. Car l’estuaire, zone naturelle en mouvement, accumule rapidement des sédiments venus de la Loire et des marées. Sans entretien, il se refermerait peu à peu.

C’est là qu’interviennent les dragues, ces navires spécialisés que l’on aperçoit souvent au loin.

Parmi eux, la Samuel de Champlain est la plus emblématique : c’est une drague aspiratrice en marche, capable de travailler en continu. Elle fonctionne comme une gigantesque suceuse : un long tuyau plonge dans le fond du chenal pour aspirer les sédiments, qui sont ensuite rejetés plus au large, dans une zone réglementée.

C’est une opération invisible mais cruciale, qui garantit chaque jour la navigabilité de l’estuaire. Sans ces dragues, le port de Saint-Nazaire serait rapidement à l’arrêt.

Drague Samuel de Champlain dans l'estuaire de la Loire à Saint-Nazaire
Crédit photo : Drague Samuel de Champlain – Source : www.dragages-ports.fr
(Photo utilisée à des fins illustratives et informatives – tous droits réservés à leur propriétaire)

Roros, Lolos, gaziers… les géants du quotidien

Ici, les navires entrent et sortent comme des baleines mécaniques. Roro (Roll-On Roll-Off) pour les voitures, Lolo (Lift-On Lift-Off) pour les conteneurs, méthaniers pour le gaz naturel liquéfié venu des États-Unis… Le ballet est permanent, accompagné par les remorqueurs, ces "tracteurs de mer" qui ne tirent pas, mais freinent, guident, positionnent.

Et si vous regardez bien, certains cargos portent une mention intrigante : "Tug" ou "No tug". Ce sont les zones sur lesquelles les remorqueurs ont (ou non) le droit d’appuyer leurs efforts lors de l’amarrage.

Navire cargo hybride RoRo Finneco III à quai, Finnlines – transport maritime écologique – Saint-Nazaire – © Markku Soini / Pexels
Photo libre de droits – © Markku Soini / Pexels

Pilotes, lamaneurs, capitainerie : une mécanique de précision

Lorsqu’on regarde vers le large, on aperçoit souvent plusieurs navires à l’arrêt, immobiles au large de l’estuaire. Ils ne sont pas en panne : ils attendent tout simplement l’autorisation d’entrer, délivrée par la capitainerie du port. Cette régulation du trafic maritime est essentielle pour garantir la sécurité dans une zone aussi étroite que fréquentée.

Une fois l’autorisation accordée, un pilote maritime est envoyé à leur rencontre. Ce professionnel, spécialiste de la navigation locale, embarque à bord grâce à une vedette rapide appelée pilotine — ou à un zodiac lorsque les conditions l’exigent. Dans la région, une trentaine de pilotes, tous indépendants, se relaient jour et nuit. Leur rôle : assister et conseiller le capitaine dans la traversée de l’estuaire, en tenant compte des hauts-fonds, des courants, des chenaux étroits et des contraintes propres à chaque navire.

Une fois le navire proche du quai, les lamaneurs prennent le relais pour l’amarrer solidement aux bollards — ces demi-champignons d’acier qui semblent si anodins, et pourtant supportent des tensions colossales dues aux marées.

Une logistique au millimètre

On imagine mal, depuis la côte, la complexité invisible de cette gestion portuaire. Chaque année, plus de 2 000 navires transitent par Saint-Nazaire. Certains restent plusieurs jours à quai, contraints de se désamarrer puis de se réamarrer jusqu’à six fois par jour selon les marées.

Ce ballet précis, orchestré dans l’ombre, exige une synchronisation constante entre la capitainerie, les pilotes, les lamaneurs et les marins. C’est une mécanique d’horlogerie — discrète, mais indispensable — qui permet à ce grand port de fonctionner jour et nuit, sans relâche.

Entre tradition industrielle et défi technologique

Actuellement, cinq navires sont en construction sur le site. Le carnet de commandes est plein pour les dix prochaines années. Un fait rare dans le monde naval, et un signal fort sur la capacité de Saint-Nazaire à concilier excellence industrielle, adaptation écologique et attractivité mondiale.

Et pourtant, ces géants ne flottent que parce que des centaines d’ingénieurs, techniciens, soudeurs, grutiers et marins les ont rêvés, construits, testés ici-même. Une fierté locale trop souvent méconnue.

Bientôt, la ville va s’éloigner à l’horizon, laissant place à un littoral étonnamment sauvage, escarpé, préservé. La mer reprend ses droits, et l’histoire se fait plus discrète, tapie dans les rochers, les falaises et les phares…

II. Des géants nés à Saint-Nazaire

Capitale de la construction navale, Saint-Nazaire façonne depuis plus d’un siècle les plus grands paquebots du monde. Derrière les imposantes coques qui prennent forme aux Chantiers de l’Atlantique, ce sont des milliers de gestes, d’innovations et de fiertés locales qui s’agrègent pour donner naissance à des ambassadeurs flottants. D’un paquebot de croisière cinq étoiles à un voilier révolutionnaire, la ville conjugue tradition et audace, excellence industrielle et conscience écologique.

Paquebot Celebrity Beyond aux Chantiers de l’Atlantique
Le paquebot Celebrity Beyond, construit à Saint-Nazaire, illuminé sur le site des Chantiers de l’Atlantique juste avant sa mise en service.

Photo libre de droits – Pixabay / Maguiss

Des paquebots de légende, ambassadeurs flottants

Depuis plus d’un siècle, Saint-Nazaire donne naissance à des géants des mers. À travers les Chantiers de l’Atlantique, la ville est devenue un symbole mondial de l’excellence navale. Ces paquebots ne sont pas de simples navires : ce sont des ambassadeurs du savoir-faire français, conçus ici avec passion, précision et une touche de fierté locale.

Parmi les fleurons récents, le Celebrity Ascent — cinquième d’une série de six jumeaux commandés par la compagnie américaine Celebrity Cruises — impressionne par ses dimensions hors normes : 323 mètres de long, 5 700 passagers, 1 800 membres d’équipage. Une véritable ville flottante, offrant une expérience cinq étoiles à travers les océans du monde.

Non loin de là, un autre mastodonte est en cours d’assemblage dans la cale sèche : l’Asia, troisième navire de la gamme MSC World Europa. Son jumeau, l’Europa, avait été transformé en hôtel flottant au Qatar lors de la Coupe du monde de football. L’Asia, quant à lui, pourra accueillir jusqu’à 9 000 passagers. Un record mondial.

Les voiliers du futur : élégance, audace et révolution verte

Mais l’innovation ne se mesure pas seulement en taille. À Saint-Nazaire, les défis écologiques sont aussi une source d’inspiration. Les chantiers nazairiens s’apprêtent à écrire une page majeure de l’histoire maritime en construisant les premiers paquebots de croisière à voile de très grande taille.

Le projet Orient Express Silenseas, porté par Accor en partenariat avec les Chantiers de l’Atlantique, incarne cette révolution. Ce voilier du futur marie le luxe à la performance environnementale : il sera équipé de trois mâts SolidSail, un système de propulsion vélique rigide unique au monde. Chaque mât culminera à 66 mètres de hauteur, et chaque voile atteindra 1 200 m² – l'équivalent de près de deux terrains de tennis.

Ces voiles rigides en composite carbone, orientables et repliables, permettent de réduire jusqu’à 40 % la consommation de carburant en navigation, selon les conditions de vent. Le système est complété par une motorisation hybride GNL ou hydrogène, pour garantir une croisière plus sobre et durable.

Une telle prouesse technique, qui semblait encore utopique il y a quelques années, est aujourd’hui rendue possible grâce à l’expertise unique de Saint-Nazaire. Ces géants à voile ne sont pas un clin d’œil au passé : ils incarnent une vision d’avenir, audacieuse et exigeante. Un pari vers une croisière décarbonée, sans renoncer à l’excellence, au confort ni à l’élégance.

Prototype du mât SolidSail testé à Saint-Nazaire, développé par Chantiers de l’Atlantique
Crédit photo : © Chantiers de l’Atlantique – Solid Sail / Aeoldrive
Photo utilisée à des fins illustratives et informatives (propriété de Chantiers de l’Atlantique)

Une filière industrielle à la pointe

Actuellement, cinq navires sont en construction sur le site. Le carnet de commandes est rempli pour les dix prochaines années : une exception dans le monde naval. Cela témoigne de la confiance accordée à Saint-Nazaire pour conjuguer haut niveau d’exigence, innovation environnementale et compétitivité mondiale.

Et pourtant, derrière ces lignes majestueuses, se cache un travail titanesque. Des centaines de femmes et d’hommes — ingénieurs, techniciens, soudeurs, grutiers, marins — œuvrent ensemble pour donner vie à ces géants. Leurs gestes précis, souvent invisibles, font flotter ce qui semblait infaisable. Une aventure humaine et industrielle que l’on devine à peine depuis la côte.

Bientôt, la ville va s’éloigner à l’horizon, laissant place à un littoral étonnamment sauvage, escarpé, préservé. La mer reprend ses droits, et l’histoire se fait plus discrète, tapie dans les rochers, les falaises et les phares…

III. Un littoral insoupçonné – Récit d’une promenade en bord de mer

Dès qu’on quitte le tumulte du centre-ville, un tout autre monde s’ouvre à nous. Ici, Saint-Nazaire s’efface pour laisser place à la mer, au vent, et à un littoral que peu soupçonnent. Pas moins de 20 plages et criques s’égrènent le long de la côte, discrètes, changeantes, secrètes parfois.

Le sentier des douaniers (GR34) nous guide, sinueux, entre pins maritimes et falaises. Certaines plages sont larges et ouvertes, parfaites pour les familles. D’autres, minuscules, semblent dessinées pour deux — accessibles seulement à marée basse ou au terme d’un escalier taillé dans la roche.

Saint-Nazaire, c’est aussi le luxe d’avoir la mer à ses pieds, sans le tumulte de la foule.

Sentier côtier rocheux avec vue sur l’océan Atlantique à Saint-Nazaire sous un ciel bleu lumineux
Le sentier côtier de Saint-Nazaire dévoile des paysages à couper le souffle, entre roches escarpées et horizon marin infini.

Crédit photo : Comité de Jumelage de Saint-Nazaire – prise lors d’une sortie “marche dynamique” organisée par le comité

22 kilomètres de rivage, entre nature et histoire

La promenade commence à Villès-Martin, bordée de villas anciennes, entre digue, sable et petites cabines blanches. Très vite, on rejoint Gavy, Kerlédé, et les premiers reliefs de la côte sauvage. Là, les falaises se couvrent de chênes verts, de genêts et de pins maritimes, formant de véritables coulées vertes : des bras de végétation qui descendent en pente douce jusqu’à la mer, comme des rivières d’ombre et de feuillage.

Ce sont des espaces protégés, riches en biodiversité, qui offrent à la ville une respiration naturelle et une beauté presque inattendue. La végétation, abritée du vent par la falaise, est parfois presque méditerranéenne : on y respire un air mêlé de sel, de résine et de lumière.

Chaque virage offre une nouvelle atmosphère : lande rase, rochers escarpés, criques oubliées. Et toujours cette lumière, omniprésente, qui se reflète sur l’estuaire.

Pêcheries traditionnelles en bois sur pilotis à Saint-Nazaire, vues depuis le sentier côtier ombragé
Au détour du sentier côtier, les pêcheries de Saint-Nazaire se dévoilent entre plages secrètes et rochers noirs. Un patrimoine vivant à préserver.

Crédit photo : Comité de Jumelage de Saint-Nazaire – cliché pris lors d’une marche dynamique organisée par le comité
Depuis le sentier côtier, le regard porte sur la silhouette discrète du sémaphore et la maison Géorama, vigies maritimes plantées au-dessus de l’océan. Entre ciel et mer, les histoires locales se mêlent aux courants d’air salé.

Crédit photo : Comité de Jumelage de Saint-Nazaire – cliché pris lors d’une randonnée printanière sur le littoral

Repères maritimes et légendes locales

Le sentier se poursuit, bercé par le vent et le ressac. Tout au bout de la jetée, une lumière blanche clignote à intervalles réguliers : c’est le phare du Vieux Môle, premier signal visible pour les marins en approche. Plus loin, sur la hauteur, le sémaphore dresse sa silhouette. Cette vigie, toujours en activité, appartient à la Marine nationale : elle surveille, alerte, observe. Et à quelques pas, accrochée à la falaise comme un mirador face à l’océan, la maison Géorama. Construite pour accueillir les colonies de vacances, elle semble aujourd’hui veiller sur les vents du large.

Les phares d’atterrissage

Mais ce littoral ne se contente pas de paysages. Il parle aux marins comme aux promeneurs, à travers les phares d’atterrissage. Depuis la mer, bien avant de voir la côte, les équipages scrutent l’obscurité à la recherche d’un premier éclat. C’est le phare de premier atterrissage, visible à près de 30 milles nautiques, soit environ 55 km. Puis vient le deuxième feu, plus vif, plus proche. Et enfin, le troisième atterrissage : celui que tous attendent. Son éclat régulier annonce l’entrée dans la rade, la proximité du port.

À bord, les hommes reconnaissent la cadence, la couleur, la portée de chaque lumière. Certains les connaissent par cœur. Et parfois, après des semaines de mer, des larmes montent aux yeux à la vue de ce troisième éclat. Il signifie bien plus que l’approche d’un quai. Il signifie : "vous rentrez chez vous".

Pour aller plus loin
👉 Le site Saint-Nazaire Abécédaire propose un article passionnant qui explore la mémoire des phares de mer et de terre, leur rôle dans la navigation, et leur portée symbolique pour les marins.

Phare de Kerlédé à Saint-Nazaire, phare d’atterrissage sur fond de ciel bleu
Le phare de Kerlédé, perché sur les hauteurs de Saint-Nazaire, fait partie du système de guidage des marins. Visible à plus de 30 milles nautiques, il symbolise l’entrée prochaine au port et, parfois, le retour au foyer.

La maison des 2 sœurs : une tragédie au parfum de légende

Le sentier serpente encore, entre lande et silence, quand une silhouette familière surgit face à l’océan : la maison des 2 sœurs. Posée là depuis des siècles, sa façade blanche semble observer le large avec patience. Peu de gens connaissent la légende noire qui l’habite.

Autrefois, deux sœurs y vivaient modestement. Elles n’avaient pour toute richesse qu’une vache, leur unique source de lait, de beurre, et d’espoir. Tous les matins, elles descendaient jusqu’au marché, longeant la falaise avec l’animal, saluées par les rares passants du sentier.

Mais les temps devinrent plus durs. L’hiver fut long, les économies fondues. Un soir, à la lueur d’une lampe à huile, les deux femmes s’assirent dans leur cuisine, résignées. Fallait-il vendre leur vache pour survivre encore un peu ? L’idée leur fendait le cœur. Pourtant, dans un murmure, elles prirent leur décision : oui, demain, elles iraient la vendre.

Mais ce qu’elles ignoraient, c’est que quelqu’un écoutait. Un homme, un brigand, tapi dans l’ombre derrière la haie. Il avait surpris la conversation. Et dans son esprit, la vache n’était rien, mais l’argent de la vente, en revanche, valait le détour.

Le lendemain, à l’aube, il frappa à leur porte. Il réclamait l’argent. Mais elles n’avaient pas vendu. À l’aurore, elles s’étaient ravisées, préférant encore la faim à l’abandon de leur bête. L’homme ne voulut pas entendre. Il s’énerva. Puis il frappa. L’une des deux sœurs s’effondra.

Le lendemain, la ville apprenait le crime. Le brigand fut arrêté, jugé et condamné sur-le-champ. C’est sur l’actuelle place Marceau que le gibet fut dressé. Ce fut la seule pendaison publique jamais enregistrée à Saint-Nazaire.

Aujourd’hui, quand le vent souffle entre les pins, il semble parfois porter un écho de sabots, ou une voix tremblante sur le sentier. Peut-être est-ce l’ombre des deux sœurs, qui descendent encore vers le marché, comme si de rien n’était.

La légende de l’homme au carnet noir

Un peu plus loin, une autre silhouette intrigue : celle d’un banc de pierre, non loin du fort de l’Ève. On y raconte l’histoire de l’homme au carnet noir. Dans les années 1950, un vieil homme venait s’asseoir là, chaque jour, face à l’océan, un carnet à la main. Il écrivait sans relâche, observait, notait. Les pêcheurs disaient qu’il avait été douanier ou soldat. Il ne parlait à personne. Puis un jour, il ne revint plus.

Sa veste fut retrouvée sur le banc. Dans la poche, un carnet. À l’intérieur, une seule phrase, répétée page après page : "Je les ai vus arriver. J’ai juré de ne pas oublier."

Personne ne sut jamais de qui il parlait. Certains affirment encore l’avoir croisé, dans la brume, carnet à la main, toujours à sa place.

La mer comme témoin des guerres

  • Le monument de 1917

  • Sous ces eaux calmes se cachent d’autres secrets. Un monument de granit, posé les pieds dans l’eau à l’entrée Est du port, rend hommage au débarquement des troupes américaines en 1917. Près de 200 000 soldats sont arrivés ici, en silence, avant de rejoindre le front.

  • Le bunker allemand

Plus loin, un énorme bunker allemand, couché dans les dunes, rappelle une autre guerre. La ville fut détruite à 85 %, mais ses clochers servirent de repères aux navigateurs, même sous les bombes : ceux de Saint-Marc, de Guérande, de Saint-Nazaire…

  • L’intrigante disparition du Lancastria : un drame longtemps étouffé

Parmi les épaves qui reposent au large de Saint-Nazaire, aucune ne porte autant de mystère, de douleur et de silence que celle du Lancastria. Ce paquebot britannique, réquisitionné par la Royal Navy pendant la Seconde Guerre mondiale, a sombré le 17 juin 1940, en moins de vingt minutes. Un drame maritime de grande ampleur, encore largement méconnu du grand public.

Ce jour-là, alors que l’armistice est sur le point d’être signé, le Lancastria mouille au large de Saint-Nazaire. Sa mission : évacuer le maximum de ressortissants britanniques, mais aussi des soldats français, des civils, des réfugiés belges et polonais, et même des enfants. On estime que plus de 5 000 personnes sont entassées à bord — peut-être jusqu'à 9 000 selon certaines sources. Le navire est nettement surchargé, mais l’urgence de l’évacuation l’emporte sur toutes les règles de sécurité.

Puis vient le drame. Alors qu’aucune menace immédiate ne semblait planer, des avions allemands attaquent. Quatre bombes sont larguées. Une seule suffit : l’une d’elles tombe directement dans la cheminée du paquebot, touchant les chaudières. Un coup improbable, presque impossible — une malchance effroyable. L’explosion est massive, les flammes se propagent, et en moins de 20 minutes, le Lancastria se retourne et sombre, entraînant avec lui des milliers de passagers.

Le bilan exact reste inconnu à ce jour. Et pour cause : quelques heures après le naufrage, Winston Churchill impose un black-out total sur l’information. L’affaire est classée “Secret Défense” pour 100 ans — une décision exceptionnelle, destinée à préserver le moral de la nation britannique en pleine débâcle. Il ne fallait pas que l’opinion publique découvre que l’armée avait subi un tel désastre, à peine quelques jours après l’évacuation de Dunkerque.
Balise du Lancastria – repère maritime au large de Saint-Nazaire
Balise rouge marquant l’emplacement de l’épave du Lancastria, au large de Saint-Nazaire.

On ne connaîtra peut-être jamais le nombre exact de morts. Les estimations varient, mais le Lancastria pourrait bien être la plus grande catastrophe maritime britannique de tous les temps, devant le Titanic.

Aujourd’hui encore, son épave repose au large de Saint-Nazaire, classée site de guerre, interdite à la plongée, et chargée de silence. Chaque année, des cérémonies discrètes rendent hommage aux disparus. Mais le mystère demeure.

Balnéaire avant tout

Et pourtant, avant d’être un port de guerre ou une base stratégique, Saint-Nazaire fut une élégante station balnéaire. Les Nazairiens et les Nantais venaient “prendre les eaux”, fréquenter le casino, profiter des bains de mer.

Le quartier de Sautron, avec ses villas art déco, ses escaliers dissimulés, ses jardins suspendus, garde encore les traces de cette époque insouciante. Ce littoral est un subtil mélange de nature, de mémoire et de beauté brute. Et au bout du chemin, là où l’océan s’élargit, une nouvelle ère se profile : les éoliennes géantes surgissent au large, immobiles et puissantes. Comme si l’histoire de Saint-Nazaire continuait de s’écrire, les pieds dans l’eau, mais les yeux tournés vers demain.

Le sentier que nous empruntons aujourd’hui portait un nom évocateur : le sentier des guetteurs. C’est là que, jadis, on scrutait l’horizon, redoutant les invasions venues de la mer.

IV. Un vent d’avenir

À l’horizon, elles se dressent, élégantes et silencieuses. À 12 à 21 kilomètres des côtes, les éoliennes offshore de Saint-Nazaire forment une constellation presque irréelle. Invisibles depuis de nombreux points du littoral, elles apparaissent par temps clair, fines silhouettes blanches ponctuant l’Atlantique. Leur présence discrète masque pourtant une révolution majeure : celle du premier parc éolien en mer jamais réalisé en France.

Parc éolien offshore – transition énergétique à Saint-Nazaire
Parc éolien en mer au large de Saint-Nazaire – une première en France, symbole d’une transition énergétique en marche.

Une première nationale en pleine mer

Inauguré à l’automne 2022, après plus de dix ans d’études, de concertations publiques et de travaux maritimes d’envergure, le parc du Banc de Guérande marque un tournant. Il s’étend sur 78 km² de domaine maritime, tout en n’occupant que 2 % de cette surface en infrastructure proprement dite. Ses 80 éoliennes, d’une puissance unitaire de 6 MW, délivrent une capacité totale de 480 MW : suffisamment pour alimenter environ 700 000 personnes, soit l’équivalent de toute la Loire-Atlantique (hors chauffage).

Installé sur un socle rocheux complexe, balayé par les vents de l’ouest, ce site constitue une première mondiale par ses conditions géologiques. Il s’agit également du premier parc éolien en mer à voir le jour en France, avec une concession de 25 ans. À l’issue de cette durée, le démantèlement complet des équipements – éoliennes, fondations, câbles, sous-station – est prévu, à la charge de l’exploitant.

Parc éolien offshore du Banc de Guérande – Énergies renouvelables en Loire-Atlantique
Parc éolien du Banc de Guérande, premier parc offshore de France, au large de Saint-Nazaire.

Une prouesse technique enracinée dans le territoire

Ce chantier colossal, à la fois discret et structurant, s’est appuyé sur un écosystème industriel largement local. Si les pales – longues de 73 mètres et pesant chacune plus de 30 tonnes – ont été fabriquées en Espagne, c’est à Montoir-de-Bretagne, chez General Electric, que les nacelles ont été assemblées. Les fondations, quant à elles, ont nécessité le recours à des navires néerlandais capables d’ancrer ces structures massives dans les fonds rocheux. Les câbles sous-marins ont été posés par l’armateur français Louis Dreyfus, tandis que la sous-station électrique, véritable cœur du système, a été conçue et construite aux Chantiers de l’Atlantique, à quelques centaines de mètres de là.

Le raccordement au réseau a nécessité une prouesse supplémentaire : une liaison souterraine partant du poste d’atterrage, situé sous la plage de la Courance, a été forée avec une précision millimétrique, traversant la voie express et le lit du Brivet sans interrompre la circulation. Une logistique de haute précision, qui illustre le savoir-faire accumulé dans la région.

Cohabitation entre pêcheurs et éoliennes offshore au large de Saint-Nazaire
Un pêcheur au travail au large : les activités traditionnelles perdurent aux abords du parc éolien.
Image libre de droits – Pixabay

Cohabiter avec la mer, ses usagers et ses habitants

Dès l’origine, le projet a été conçu en lien étroit avec les parties prenantes du littoral : pêcheurs, associations environnementales, collectivités locales et habitants. Les décisions prises reflètent cette concertation :
  • Le site est ouvert à la navigation, sous conditions
  • La plongée est interdite, pour des raisons de sécurité
  • Pendant les travaux, des hydrophones sous-marins captaient les sons émis par les cétacés ; en cas de détection, les forages étaient automatiquement suspendus

Des observations scientifiques postérieures ont mis en évidence des effets inattendus : les pieux immergés ont rapidement été colonisés par des espèces marines (anémones, oursins, moules, étoiles de mer…). Plusieurs poissons côtiers, tels que le bar, le congre ou le tacot, ont été observés en plus grand nombre autour des structures. Côté avifaune, chaque pale a été installée à plus de 30 mètres au-dessus de l’eau, une hauteur étudiée pour réduire le risque de collision, la majorité des oiseaux marins volant en dessous de cette altitude. Des suivis par télémétrie aérienne sont encore en cours, notamment pour les puffins, les goélands et les fous de Bassan.

Une énergie plus stable et plus continue

Pourquoi construire en mer ? Parce que c’est là que le vent souffle le plus fort… et surtout, le plus régulièrement. En moyenne, une éolienne offshore tourne 90 % du temps, et fonctionne à sa pleine capacité 40 % du temps, contre environ 23 % pour une éolienne terrestre. L’environnement maritime, sans obstacles (ni collines, ni constructions), permet un rendement supérieur, avec une exposition aux vents régulière et prévisible.

Selon les spécialistes dont je reprends les propos, la mer offre donc des conditions optimales pour produire une énergie renouvelable non intermittente, particulièrement précieuse pour répondre aux besoins croissants sans recourir à des énergies fossiles.

Un projet structurant… et fiscalement encadré

Le coût global du parc est estimé à environ 2 milliards d’euros, incluant non seulement la construction, mais également la maintenance sur 25 ans et les opérations de démantèlement en fin de concession. Ce coût intègre également des études d’impact environnemental approfondies, des mesures compensatoires, et un accompagnement des secteurs économiques concernés, notamment la pêche.

Chaque année, environ 4 millions d’euros issus de la taxe éolienne sont redistribués aux communes littorales dans un rayon d’environ 22 km (12 milles). Batz-sur-Mer, la plus proche (≈12 km), perçoit environ 300 000 €/an ; La Baule (~18–20 km) reçoit 400 000 €, bénéficiant d’un bonus lié à ses résidences secondaires, tandis que Saint-Nazaire, bien que plus éloignée (≈22 km), reste la principale bénéficiaire avec près de 1 million d’euros par an, en raison de son importance démographique.

Parc éolien en mer de Saint-Nazaire – énergies renouvelables au large des côtes atlantiques
Vue sur le parc éolien en mer au large de Saint-Nazaire, premier du genre en France métropolitaine

Une bascule discrète mais décisive

Au large de Saint-Nazaire, dans le silence du vent, se joue une transformation profonde. Celle d’une ville ancrée dans l’histoire industrielle, qui réinvente sa relation à la mer et à l’énergie. Longtemps synonyme de charbon, de pétrole et d’acier, le littoral devient peu à peu un carrefour de solutions écologiques, une terre d’innovation énergétique.

C’est de la mer que venaient autrefois les bateaux de charbon. C’est par elle que transite aujourd’hui une nouvelle forme d’énergie : propre, constante, et tournée vers demain.

Conclusion – Quand la mer vous raconte Saint-Nazaire

À Saint-Nazaire, la mer ne se contemple pas, elle se vit. Elle est l’écho d’une histoire industrielle puissante, le reflet d’une ville en mouvement et la promesse d’un avenir plus vert.

Tout au long de ce guide, nous avons arpenté les quais, longé les falaises, observé les navires et les vents. Mais c’est en prenant le large que le regard change vraiment. La sortie en mer organisée par Saint-Nazaire Renversante, au départ du quai de Kribi, offre une perspective unique sur le littoral, sur le port, et surtout sur le tout premier parc éolien offshore de France.

C’est au cours de cette croisière commentée – effectuée le 21 juin 2025 – que certains membres du Comité de Jumelage de Saint-Nazaire, accompagnés de leurs amis venus de Saarlouis (ville jumelle de Saint Nazaire), ont pu vivre une expérience marquante. Grâce à Arnaud, notre guide aussi passionné que passionnant, les paysages se sont chargés de sens, les chiffres ont pris vie, et l’histoire énergétique du territoire s’est révélée avec force et clarté.

Ce guide s’en inspire directement.
Et nous ne pouvons que vous recommander de réserver cette visite de mai à septembre. Pendant trois heures, vous serez aux premières loges pour comprendre ce que signifie concrètement la transition énergétique, et découvrir une autre facette de Saint-Nazaire — celle qui regarde l’avenir en face.

Partagez vos découvertes et enrichissez ce récit !

Votre regard, vos anecdotes et vos photos peuvent donner encore plus de vie à ce guide !

Vous avez exploré Saint-Nazaire, découvert un lieu insolite, vécu une belle rencontre ou pris un cliché inspirant ? N’hésitez pas à me les transmettre : votre contribution permettra de révéler les trésors parfois méconnus de cette ville pleine de charme.

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Valérie FERRAGU

Dirigeante - Titulaire de la carte professionnelle

Loire-Atlantique (44)

06 51 95 17 77
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Écrit & publié le 28/06/2025 par
Valérie FERRAGU

--> Juriste passionnée, Professeure de droit à l’IUT
--> Agent immobilier & Fondatrice de LA BAULE IMMO ici et ailleurs
--> Secrétaire du Comité de Jumelage de Saint-Nazaire

✍️ Cet article s’inspire directement de la croisière découverte effectuée le 21 juin 2025, à laquelle ont participé plusieurs membres de notre association (Comité de Jumelage de Saint-Nazaire), aux côtés de nos amis allemands de la délégation de Saarlouis, ville jumelle de Saint-Nazaire.

Beaucoup ont choisi cette sortie en mer pour découvrir autrement notre littoral et les enjeux liés à la transition énergétique.

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