
Votre voiture continue à dysfonctionner après réparation ? Le garagiste doit répondre de ses actes
Garagiste, panne non résolue et responsabilité contractuelle : l’éclairage de la Cour de cassation
Récupérer son véhicule du garage pour découvrir que la panne n'est toujours pas résolue : voilà une expérience frustrante que beaucoup de conducteurs ont connue. Faut-il s'avouer vaincu face à la "fatalité" mécanique, ou le garagiste a-t-il des comptes à rendre dans une telle situation ? Cette question m’a été posée plus d’une fois. Et l’arrêt rendu le 16 octobre 2024 par la Cour de cassation apporte une réponse limpide : Il est venu clarifier et confirmer l’obligation de résultat qui pèse sur les garagistes lors des réparations
Dans cet article, je vous explique ce que cela signifie concrètement pour vous, automobilistes, mais aussi pour les garagistes qui doivent redoubler de vigilance dans leurs prestations.

L’affaire en quelques mots : un taxi et des pannes à répétition
Le chauffeur avait confié l’entretien de son véhicule professionnel à un garage, mais le véhicule a connu des dysfonctionnements répétés et persistants malgré toutes les réparations effectuées
En d’autres termes, la voiture continuait à tomber en panne après chaque passage au garage. Face à l’inefficacité des interventions, le propriétaire du taxi a fini par poursuivre le garagiste en justice, lui réclamant réparation de ses divers préjudices (pertes financières dues à l’immobilisation du taxi, préjudice moral lié au stress, etc.)
Une première décision défavorable au consommateur… vite rectifiée
La cour d’appel saisie du litige a rejeté la demande du client. Selon les juges, la panne était qualifiée de « fortuite » (c’est-à-dire accidentelle, due à la malchance) par l’expert, et aucun des garagistes qui étaient intervenus sur le véhicule n’avait su en déterminer précisément l’origine
L’expert judiciaire n’avait pu identifier la cause qu’au prix de difficultés importantes, et aucune faute particulière du garagiste mis en cause n’avait pu être démontrée
En somme, pour la cour d’appel, faute de preuve tangible d’une erreur du réparateur, on ne pouvait pas le tenir pour responsable d’une panne aussi mystérieuse.
Coup de théâtre juridique : saisi par le propriétaire du véhicule, la Cour de cassation n’a pas été du même avis. Dans son arrêt du 16 octobre 2024, la Haute Juridiction a cassé (annulé) la décision de la cour d’appel, estimant que celle-ci avait fait fausse route. Selon la Cour de cassation, dès lors qu’une panne persiste après l’intervention du garagiste, la loi fait peser sur ce dernier une présomption de faute et de lien de causalité – en clair, on suppose qu’il a manqué à son obligation – et ni l’incertitude quant à l’origine de la panne, ni la difficulté technique à la diagnostiquer, ne suffisent à le disculper
Autrement dit, le garagiste n’aurait pas dû être exonéré sous prétexte que la cause du problème était compliquée à déceler : il demeure responsable par défaut tant que le contraire n’est pas prouvé.

Le principe rappelé : une obligation de résultat pèse sur le garagiste
En clair, lorsqu’un garagiste accepte de réparer un véhicule, il s’engage à ce que la panne soit effectivement résolue. Ce n’est pas une simple obligation de moyens (comme “je fais de mon mieux”), mais une obligation de résultat.
Et c’est bien ce que confirme la Cour de cassation :
“Le professionnel est tenu de délivrer une prestation conforme. La preuve de la faute et du lien de causalité est présumée lorsque les désordres persistent.”

Que doit prouver le garagiste pour ne pas être condamné ?
- identifié correctement l’origine du problème,
- mis en œuvre les réparations nécessaires avec toute la rigueur professionnelle attendue,
- et que, malgré cela, la panne est indépendante de son intervention (ex. vice caché du constructeur, pièce défectueuse non accessible, ou événement extérieur imprévisible).
En pratique, cette démonstration est souvent difficile à apporter, surtout lorsque le client a conservé les preuves des réparations inachevées ou inefficaces.
Un signal fort envoyé aux professionnels de l’entretien auto
- être plus transparents avec leurs clients,
- rédiger des ordres de réparation détaillés,
- conserver une traçabilité précise des actions effectuées,
- et surtout, à ne pas se contenter de “constats approximatifs” lorsqu’un problème persiste.


Et pour les consommateurs ?
C’est une excellente nouvelle. Cet arrêt renforce leurs droits, en leur évitant de devoir prouver ce qui, très souvent, leur est impossible à démontrer techniquement.
Dès lors qu’une réparation est confiée à un professionnel, et qu’elle ne résout pas le problème, le doute ne bénéficie plus au garagiste.
Conclusion : responsabilité renforcée, confiance restaurée ?
En conclusion, si votre voiture continue à dysfonctionner après une réparation, non, ce n’est pas normal et oui, le garagiste doit répondre de ses actes.
Le droit français considère qu’une telle situation révèle un manquement du réparateur à son obligation de résultat, et il place ce dernier sous le joug d’une présomption de responsabilité pour protéger le client. L’arrêt de la Cour de cassation du 16 octobre 2024 l’a rappelé avec force : un professionnel de l’automobile engage sa responsabilité si le résultat escompté (une voiture en bon état) n’est pas atteint
Cette règle confère aux consommateurs un moyen efficace d’obtenir réparation, tout en incitant les garagistes à offrir un service de qualité irréprochable. En définitive, c’est un garde-fou juridique qui profite à tous : il garantit que le client ne sera pas lésé par une réparation infructueuse, et il encourage les réparateurs à être à la hauteur de la confiance qu’on place en eux.
Référence
Cass. 1ʳᵉ civ., 16 octobre 2024, n° 23-11.712 FS-B

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Valérie FERRAGU
Dirigeante - Titulaire de la carte professionnelle
Loire-Atlantique (44)
Écrit & publié le 08/04/2025 par
Valérie FERRAGU
--> Juriste passionnée, Professeure de droit à l’IUT
--> Agent immobilier & Fondatrice de LA BAULE IMMO ici et ailleurs